Dans sa lettre ouverte du 12 avril, la Scam s »oppose à l »éventuelle suppression de la contribution à l’audiovisuel public.

Monsieur le Président de la République,

Vous avez manifesté votre souhait de transformer l’audiovisuel public. Cependant, alors même que le contenu de la loi reste encore flou puisque son examen a plusieurs fois été reporté, Monsieur Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a fait part de sa volonté de supprimer la contribution à l’audiovisuel public. Pourtant, vous le savez, cette ressource essentielle à l’indépendance de ce service public possède une légitimité historique comme Jean-Noël Jeanneney l’a rappelé dans Le Monde le 4 avril dernier.

Pour les 44 000 auteurs et autrices de la Scam (documentaristes, réalisateurs et réalisatrices, reporters, journalistes…) dont beaucoup œuvrent pour France télévisions, Radio France, Arte, France Médias Monde et dont les œuvres alimentent la mémoire audiovisuelle de l’Ina, la contribution à l’audiovisuel public est la garantie de son indépendance et de la liberté de leur créativité. Être indépendant des recettes publicitaires et des subsides de l’Etat permet de garantir aux Françaises et aux Français les conditions d’une création et d’une information affranchies des contraintes du marché autant que de l’influence des pouvoirs publics.

La contribution à l’audiovisuel public n’est pas une simple taxe de plus. Elle est directement corrélée à la mission du service public et à la voix singulière qu’il porte dans l’univers des médias. Ainsi, de nombreux documentaires et reportages d’investigation ne pourraient pas voir le jour sur des chaînes privées parce qu’elles ne souhaitent pas risquer de porter ombrage à des clients qui achètent des espaces publicitaires sur leurs antennes.

La suppression de la contribution à l’audiovisuel public est inacceptable pour la Scam comme pour l’ensemble du secteur de la création qui s’est d’ailleurs élevé d’une même voix contre la proposition de M. Darmanin. La remplacer par une dotation budgétaire légitimerait ni plus ni moins tous les discours qui dénoncent un audiovisuel public « aux ordres », et jetterait sur le travail des auteurs et des autrices, le soupçon d’un pouvoir politique à la manœuvre. La compenser par une augmentation des ressources publicitaires signifierait tirer un trait sur les sujets économiques et financiers et des thèmes moins performants en matière d’audience.

Comme vous, la Scam défend un audiovisuel public tourné vers l’avenir, en phase avec l’évolution des usages. Elle reconnait la nécessité d’une transformation numérique ambitieuse pour renouveler l’offre, intéresser les jeunes publics, lutter contre les infox… L’audiovisuel public est le vecteur d’un actif culturel commun et le garant du débat démocratique. Ces défis appellent une politique ambitieuse de long terme dont la pérennité du mode de financement assurée par la contribution à l’audiovisuel public constitue un atout stratégique. S’en priver revient à plonger les transformations nécessaires de l’audiovisuel public dans l’incertitude et risquer l’échec.

L’européen convaincu et engagé que vous êtes devrait être sensible à ce qu’ont fait nos voisins chez qui l’évolution des services publics est passée, non pas par une suppression des redevances, mais au contraire par leur renforcement : en Allemagne, la Rundfunkbeitrag a été rendue obligatoire pour tous les foyers en 2013 ; au Royaume-Uni la license fee collectée par la BBC est désormais exigée des usagers de tous ses services, hertziens comme numériques ; en Suisse la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, pourtant l’une des plus chères d’Europe, a été écartée l’an dernier par voie de référendum.

Compte tenu des évolutions technologiques, il est devenu archaïque d’assujettir cette contribution aux seuls postes de télévision ; il est temps de reconsidérer son assiette pour la moderniser mais aussi la rendre plus cohérente au regard des engagements du groupe à qui les pouvoirs publics demandent à juste titre d’investir dans le numérique. La Scam appelle de ses vœux depuis plusieurs années cette réforme vers un modèle plus égalitaire et mieux adapté aux usages.

Il ne faut plus tarder davantage. Les autrices et auteurs de la Scam, vous encouragent vivement, Monsieur le Président de la République, à conserver et transformer la contribution à l’audiovisuel public pour réussir la réforme dont celui-ci a besoin.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de notre très haute considération.

Julie Bertuccelli Hervé Rony
Présidente Directeur général 


Copies à :
– Édouard Philippe, Premier ministre
– Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics
– Franck Riester, ministre de la Culture
– Maïa Wirgin, conseillère culture, communication, régulation numérique auprès du Premier ministre

Télécharger la lettre adressée le 12 avril 2019 – pdf