« Une étude qui fera date ! »  
L'édito de Julie Bertuccelli, présidente de la Scam

En mars dernier, la Scam a lancé une grande étude pour identifier la réalité des rémunérations des auteurs et des autrices de documentaire. Près de 1 500 personnes y ont répondu : je les remercie vivement. Les chiffres viennent de tomber. Il était trop tard pour les publier dans ce numéro mais vous pouvez les consulter sur scam.fr. L’étude a été présentée lors du dernier Sunny  Side de La Rochelle devant les nombreux producteurs et diffuseurs présents. Sans prétendre affirmer la vérité d’une situation, elle donne un éclairage sur la situation professionnelle des réalisateurs et des réalisatrices et sur leur relation avec les sociétés de production. 

Quelques chiffres, extraits de cette étude de 36 pages intitulée De quoi les documentaristes vivent-ils ?, lèvent le voile sur le tabou des rémunérations. Ainsi, tous genres confondus (documentaire, reportage, magazine, série), la rémunération moyenne pour un 52 minutes est de 12 461 euros. Cette moyenne cache évidemment des disparités abyssales, puisque pour un documentaire de 52 minutes, la rémunération la plus faible qui ait été indiquée est de 800 euros et la plus élevée est de 37 000 euros. La rémunération moyenne varie également du simple au double selon la chaîne de diffusion : 8 364 euros pour un documentaire de 52 minutes sur une chaîne thématique (dont 56 % sont rémunérés moins de 8 000 euros) à 17 090 euros sur une chaîne historique (dont 64 % sont payés plus de 15 000 euros). Si la fourchette des rémunérations interroge, leur baisse pour beaucoup de réalisateurs et réalisatrices étouffe et scandalise. 

Parmi les autres chiffres révélés par l’étude, le partage de la rémunération s’établit en moyenne à 68 % en salaires et 32 % en droits d’auteur. De nombreux auteurs ou autrices témoignent qu’il n’y a pas si longtemps, le travail de réalisation était payé uniquement en salaires par les sociétés de production, les droits d’auteur ne rémunérant que l’exploitation de leur œuvre. La différence des charges sociales payées par les sociétés de production sur les salaires et les droits d’auteur semble expliquer cette dérive.

Je ne saurais trop vous conseiller de lire les autres chiffres et analyses de ce précieux document : la différence de rémunération entre les hommes et les femmes, la part des réalisateurs et réalisatrices qui n’ont jamais reçu, d’aucune société de production, les comptes d’exploitation de leur œuvre, la part des auteurs et autrices qui sont rémunérés lorsqu’ils accompagnent leur film dans une projection/débat, l’évaluation des sociétés de production sur les contrats proposés ou sur la promotion des films… et enfin les tristes chiffres sur l’évolution de la situation matérielle des réalisateurs et réalisatrices de documentaires. 

Ce ne sont plus seulement des on-dit ou des bruits qui courent, l’étude de la Scam est désormais une réalité qu’on ne peut plus ignorer. Elle est posée sur les bureaux des sociétés de production, des diffuseurs, du CNC, des ministères… elle se veut un outil de dialogue pour améliorer la situation des réalisateurs et réalisatrices.


Au sommaire de ce numéro

Portrait de Ange Casta – p°4 

– Étude sur la création sur le front social – p°14 
Cédric Villain – p°18

– Hors champ : la culture est un droit de l'homme – p°20

Entretien avec Emmanuel Finkiel – p°22

– Compte rendu : faillite d'une société de production – p°26

État des lieux : sauver les métiers de la traduction – p°28
Action culturelle : Prix Scam 2018 – p°30