Texte rédigé par Guillaume Thoulon, juriste à la Scam, pour la lettre Astérisque n°56.

Depuis quelques années, un nombre grandissant d’auteurs se trouve confronté à l’ouverture d’une procédure collective. Celle-ci peut revêtir trois formes :

> La sauvegarde, qui intervient avant la constatation de la cessation des paiements et qui a pour but de favoriser la réorganisation de l’entreprise en difficulté;

> Le redressement judiciaire, qui est une procédure ouverte pour une société en cessation de paiement mais dont le redressement est jugé possible;

> La liquidation judiciaire pour une société en cessation de paiement et dont le redressement est manifestement impossible.

Le tribunal désigne un mandataire dans le cadre de procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Ce mandataire est tenu au respect de toutes les obligations du producteur, notamment à l’égard des auteurs (article L132-30 du code de la propriété intellectuelle).
Dans le cas d’une liquidation judiciaire faisant suite à l’échec d’une procédure de sauvegarde et/ou de redressement judiciaire, le mandataire judiciaire devient le liquidateur judiciaire.
Dans le cas d’une liquidation judiciaire ouverte sans période d’observation, le tribunal désigne en qualité de liquidateur un mandataire judiciaire.
Le liquidateur procède aux opérations de liquidation en même temps qu’à la vérification des créances. Il peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire.

La liquidation n’entraîne pas la résiliation du contrat qu’aurait conclu le producteur avec l’auteur et ce dernier dispose de droits lui permettant de racheter auprès du liquidateur les droits matériels et immatériels attachés à son oeuvre.
En effet, selon l’article L132-30 du code de la propriété intellectuelle, « dans le cas d’une cession de tout ou partie de l’entreprise ou de liquidation, l’auteur et les coauteurs disposent d’un droit de préemption ». Cette prérogative permet d’acquérir par priorité l’oeuvre audiovisuelle si la cession est envisagée sauf si l’un des coproducteurs se porte acquéreur. Il est prioritaire sur l’auteur. Le liquidateur a donc « l’obligation d’aviser, à peine de nullité, chacun des auteurs et des coproducteurs de l’oeuvre par lettre recommandée, un mois avant toute décision sur la cession ou toute procédure de licitation. L’acquéreur est, de même, tenu aux obligations du cédant » (L132-30 du CPI). Le nouveau titulaire des droits sur l’oeuvre se doit donc de respecter le contrat initial de l’auteur.

Si effectivement l’article L132-30 du CPI laisse présager une protection importante des intérêts de l’auteur, la réalité est différente. En effet, dans certains cas, le juge va nommer un expert judiciaire. Son rôle va consister à donner un avis et éclairer le juge sur des points techniques précis, il va notamment se charger de contacter les ayants droit afin de les informer de cette possibilité de rachat et le cas échéant les accompagner dans cette démarche. Si un expert judiciaire a parfaitement connaissance du métier et va, dans la plupart des cas, prendre attache avec la Scam pour retrouver les « PSA » (partis sans laisser d’adresse) et entrer en contact avec tous les auteurs concernés par la liquidation, le liquidateur lui n’a que très peu de notions sur le droit d’auteur et plus généralement une méconnaissance du monde de l’audiovisuel et du documentaire. La Scam a d’ailleurs été sollicitée à de nombreuses reprises par des auteurs ayant des difficultés à faire valoir leurs droits auprès des liquidateurs. C’est à cet effet qu’elle a organisé en juin dernier, avec le concours de l’expert judiciaire Christian Ardan, une rencontre dans ses locaux entre les représentants de différentes études et les membres d’un groupe de travail composé d’auteurs membres de la commission audiovisuelle.

Cette rencontre entre deux mondes a permis de présenter la Scam, ses activités, son action, et surtout d’expliquer, par le biais des auteurs présents, l’importance que pouvait représenter une oeuvre pour son auteur et le lien fort qui les unissait. Les mandataires sollicités ont expliqué les difficultés auxquelles ils étaient confrontés, le manque de temps notamment, mais également et surtout les problèmes soulevés par les rushs et masters qu’ils doivent conserver le temps de la procédure, sans pour autant toujours disposer des locaux nécessaires.

La conservation des différents éléments ayant servi à la création de l’oeuvre est donc un enjeu majeur. Si la BnF a déjà mis en place une procédure lui permettant de conserver en dépôt les masters des films (cf. interview de Sylviane Tarsot-Gillery, Directrice générale de la BnF) par le biais d’une convention qui est établie entre le liquidateur et la BnF, se pose la question de la conservation des rushs. Une première réunion a eu lieu à la Scam afin d’évoquer ce sujet et poser les premiers jalons d’une réflexion pour une conservation temporaire des rushs d’un film.

La Scam reste par ailleurs en lien étroit avec les mandataires présents et il est prévu d’échanger avec eux sur une fiche juridique et sur un courrier type qui seront mis à disposition prochainement sur le site internet de la Scam.


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