Un hors champ signé Isabelle Repiton  publié dans le numéro 55 d’Astérisque, la Lettre de la Scam.



Souvent critiqué pour l’image de luxe qu’il renvoie, en contradiction avec la situation de bien des auteurs, l’actuel siège de la Scam se révèle un choix de gestion prudent. Son évolution récente en fait un lieu dont peuvent profiter tous les auteurs.

« Ce sont nos droits qui financent cette opulence ? » entend-on souvent encore lors de rencontres avenue Vélasquez.
Qu’une société d’auteurs, chargée de défendre les intérêts de ses membres, leur rémunération, dans un contexte de précarité croissante pour les auteurs, occupe un hôtel particulier cossu dans un des quartiers les plus luxueux de Paris, sur une rue quasi privée donnant sur le Parc Monceau fermée par d’imposantes grilles, choque parfois.
Ce hiatus entre ceux qu’elle est censée représenter et l’image que renvoie le siège de leur société peut être ressenti comme « provoquant et déplacé », par des auteurs. Anne Georget, présidente élue en 2015, était de ceux-là. Dans sa profession de foi de candidate, elle s’était engagée à étudier le déménagement de la Scam.

Quelques années plus tard elle est arrivée à la conclusion qu’un tel projet n’était ni opportun, ni avisé en termes de gestion et qu’il était temps de clore par la transparence le serpent de mer de cette polémique. un renoncement ? Non, plutôt un réalisme pragmatique, une gestion prudente du patrimoine des auteurs et le constat que l’immeuble, avec la Maison des Auteurs ouverte en 2013, est devenu une vraie maison vivante au service des auteurs.
« Lors de l’achat de l’immeuble, j’aurais voté contre » maintient Anne Georget, mais aujourd’hui, « il est payé, chaque membre de la Scam en est un peu propriétaire, et ce serait un mauvais calcul de gaspiller du temps, de l’énergie et de l’argent dans la recherche d’un nouveau siège, des travaux et un déménagement. Il sera temps de penser à vendre et à s’installer ailleurs si les ressources de la Scam, par exemple celles issues de la copie privée, venaient à diminuer fortement. Cet investissement est une poire pour la soif ».
Ce patrimoine a coûté, tous frais compris, 13,14 millions d’euros, intégralement payés depuis juin 2009. Il est aujourd’hui évalué entre 15 et 20 millions d’euros, soit 386 € au moins pour chacun des 38 913 sociétaires membres de la Scam.
De sa création en 1981 à son arrivée avenue Vélasquez en 1998, la Scam était installée au 38 rue du Faubourg Saint-Jacques dans le 14e arrondissement, dans l’Hôtel de Massa, siège de la Société des Gens de Lettres (SGDL). Tout naturellement, la Scam, créée par 24 membres du Comité directeur de la SGDL en 1981, y avait démarré. Mais la jeune société grandit rapidement. « Il fallait plus de place, on n’avait pas de salle de projection » témoigne Guy Seligmann, président de 1991 à 1995, puis à nouveau en 1999. En n 1998, c’est à la fin de la présidence Jean-Marie Drot que le choix du 5, avenue Vélasquez est entériné par une délibération du Conseil du 20 mai 1998. Un choix par défaut : des 37 immeubles visités par le délégué général Laurent Duvillier et les élus du Conseil, le premier retenu était celui de l’ancien siège d’Arte finalement retiré du marché.

Initialement acheté dans le cadre d’un crédit-bail, les incertitudes sur les marchés financiers, liées au début de la crise financière, ont incité la Scam à racheter le solde du crédit-bail en juin 2009. Le but étant de ne plus être tributaire dans la gestion quotidienne des soubresauts financiers. Le montage pour cette acquisition a été évalué positivement par la CPC (Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits) dans son Rapport définitif de vérification relatif au patrimoine et à la gestion immobilière de la Scam de janvier 2014 : « La Scam a pu acquérir un bien immobilier grâce à un montage contractuel relativement complexe mais s’avérant avantageux en termes comptable et économique pour la société ».
« Dès 1998, cet immeuble a fait l’objet de critiques » se souvient Guy Seligmann, mais il a aussi changé le regard extérieur porté sur la Scam. Lors de l’inauguration en présence de la ministre de la Culture Catherine Tasca, Guy Seligmann s’est entendu dire, par un des dirigeants du CNC de l’époque: « Maintenant, vous êtes une vraie société d’auteurs ! ». Une fois établie cette façade de « respectabilité », restait au 5 avenue Vélasquez à exister véritablement « pour les auteurs », à leur ouvrir plus grand ses portes ainsi qu’à leurs œuvres. C’est chose faite avec la Maison des Auteurs, inaugurée sous la présidence de Jean-Xavier de Lestrade en 2013 et qui offre non seulement un vrai lieu de travail, mais aussi un accès à de la documentation, à des ateliers juridiques, fiscaux…; avec la salle Charles-Brabant, désormais souvent trop étroite pour les débats qu’elle accueille, et réservée presque  tous les soirs par des auteurs pour y projeter leurs œuvres ; avec les expositions des lauréats des prix Roger Pic sous la voûte du hall… l’immeuble est devenu « un véritable centre d’activité pour les auteurs » se félicite Hervé Rony, directeur général. Dans les beaux quartiers peut-être, mais ils y sont chez eux.